Parmi toutes les pertes qu’on peut vivre, la perte d’une personne aimée est l’une des épreuves les plus difficiles à traverser, c’est fréquemment un événement dramatique. Le quotidien s’estompe pour faire place à cette réalité incroyable. Celui ou celle qu’on aime n’est plus. Ce qui semblait essentiel hier apparaît aujourd’hui comme dérisoire. Ce après quoi on courrait, ce pour quoi on s’inquiétait, tout cela est balayé par la fracture émotionnelle que représente le deuil.
Deuil : les différentes pertes
La perte d'une personne
Parmi ceux qui ont vécu ce drame, certains ont décrit ce qu'ils ressentaient. Ainsi la mère de l'acteur Patrick Dewaere, Mado Maurin, décrit son expérience de la manière suivante :
«J'étais installée... Fière de mes enfants. Heureuse presque. J'avais 66 ans. Encore quatorze ou quinze ans avant que ne sonne l'heure du départ. .. Quand soudain, cette chose énorme, terrible... Cette croix. D'un seul coup, tout bascule, tout devient dérisoire : ce que l'on avait cru, ce que l'on avait dit, ce bonheur dont on avait la prétention d'être l'artisan et le maître...»
Et elle raconte le drame, la voix nouée :
«Je suis arrivée trop tard. J'étais à la campagne. Je n'ai même pas attendu la fin du coup de téléphone de mon mari. Dès que j’ai entendu: Patrick s'est mis une balle dans la tête !, j'ai raccroché et je suis partie. Et durant les quarante kilomètres qui me séparaient de là où il était, j’ai prié, j’ai prié: Faites qu'il ne soit pas mort. .. Qu'il soit seulement blessé. J'ai espéré pendant quarante km. Mais quand je suis arrivée, il avait été emmené. Dans l'appartement vide, il n'y avait plus qu une silhouette tracée sur le tapis, avec le sang...
Dans l'instant presque, j’ai su que je ne serais plus jamais la même femme.
Qu'il y aurait désormais un avant et un après cette grande blessure. Il n'y a rien de pire que de perdre un enfant. Rien de pire surtout qu'un fils qui se donne la mort. C'est ce qui me tiendra à genoux jusqu'à la fin de ma vie. Seigneur, pourquoi ? »
Que la mort soit prévisible ou non, que celui ou celle que l'on perd soit jeune ou vieux, cela fait, bien sûr, une différence, mais ce qui frappe toujours en pleine poitrine ceux qui restent, c'est le définitif de la mort. Pour toujours ! Jamais plus ! C'est inacceptable ! Comment survivre ? Comment traverser cette douleur qui étreint, qui habite l'être tout entier ? Comment retrouver la paix, la joie ?
Les facteurs qui influencent le deuil
Lorsqu'il s'agit de la perte d'une personne, de multiples facteurs influencent le processus de deuil : Tout d'abord la nature unique et la signification de la perte pour la personne qui reste.
Qui était le défunt ? Était-il le seul interlocuteur de son épouse qui n'avait aucune vraie relation à l'extérieur et aucun enfant avec qui partager ce qu'elle vivait ?
L'endeuillé avait-il tissé avec la personne décédée une relation extraordinairement forte ou longue de cinquante années de vie commune, ou encore le défunt était-il l'enfant bien aimé pour qui « on avait tout sacrifié» ? Ou la mère toute puissante, source de réconfort ?
Comme nous l'avons vu, toutes les pertes sont différentes, mais elles représentent chacune une réalité bien spécifique pour l'endeuillé.
Ce qui influence aussi la nature du deuil, ce sont les qualités de la relation perdue. Il se peut que la personne décédée ait représenté plus que sa propre présence dans la relation.
Imaginez Jackie Kennedy au soir du décès de son mari : de première dame des États-Unis, elle redevient une femme comme les autres, son rôle national et international dépendait totalement de la vie de son mari. Dans d'autres situations, où les deux conjoints vivaient d'une manière un peu symbiotique, la perte de l'un des époux fait que celui qui reste se sent incomplet, incapable de se reconstruire.
Dans d'autres situations, la personne décédée était la personne centrale de la famille et son départ met en danger l'équilibre de tous les membres de la famille. De nouveaux rôles doivent être assumés par les survivants qui ne sont pas toujours, prêts à les endosser. Parmi les facteurs à considérer il y a encore l'expérience de l'endeuillé avec la séparation.
On pourrait croire qu'il est possible d'apprendre à vivre le deuil. Il n'en est rien. Lorsqu'une personne subit des séparations successives, elle peut se trouver en surcharge de deuil et ne plus arriver à guérir émotionnellement.
Plus un deuil a été vécu négativement, plus les suivants seront difficiles à gérer.
La qualité de la relation entre l'endeuillé et la personne décédée joue aussi un très grand rôle dans le travail de deuil.
Plus il y avait de conflits entre deux membres d'une famille, entre un parent et son conjoint ou entre des parents et leurs enfants adultes, plus le processus de deuil est difficile à faire.
Parfois, l'endeuillé n'arrive pas à lâcher prise de son chagrin. Il a besoin de dire ce qu'il aurait voulu dire et qui, pour différentes raisons, n'a pas été exprimé : « Je t'aime», « Je te demande pardon», « J'avais tant besoin de toi».
Les raisons de la mort, les circonstances du décès jouent aussi un grand rôle dans le processus de deuil. Il est souvent plus facile d'accepter une mort préparée au terme d'une longue maladie que, par exemple, le suicide d'un fils ou d'une fille.
De même, une mort soudaine ne permet pas la préparation ni la possibilité de terminer ce qui ne l'est pas dans la relation.
La longueur de la maladie amenant la mort peut aussi être un facteur important. Il a été observé que lorsque la maladie dure très longtemps, l'endeuillé peut se trouver dans un grand isolement social à cause du temps consacré aux soins de celui qui est décédé. D'autre part, lorsque, à plusieurs reprises, la personne qui va mourir se sent très mal, puis voit son état s'améliorer, il peut y avoir de la colère et de la culpabilité chez les proches, ou encore une telle fatigue émotionnelle que le deuil est difficile à vivre. C'est ce que l'on appelle le deuil anticipé.