Rejoindre sa dernière demeure en moto : beaucoup en rêvent, Paul Sinclair l’a fait. Depuis quinze ans maintenant, l’entreprise créée par ce révérend britannique attentif aux dernières volontés de ses fidèles conduit les défunts à la tombe au guidon de modèles historiques, de véritables reines de la route. Retour sur une aventure peu banale et un véritable succès.
C’est donc à l’orée de l’an 2000 que Motorcycle Funerals voit le jour. Une lubie de collectionneur ? Pas du tout. Plutôt le fruit d’une longue réflexion. Homme de Dieu officiant avec conviction depuis trois décennies, le révérend Sinclair a honoré bien des défunts, orchestré des centaines d’obsèques.
Il part ainsi du principe que chacun devrait pouvoir entrer dans l’au-delà à sa manière, en adéquation avec ses choix de vie, fussent-ils liés à la vitesse, au bitume et au rock’n roll. De remarque en souhait, il a vite compris que la moto était une passion partagée par des milliers d’aficionados, et que leur plus grand désir serait d’arriver ainsi au cimetière.
Bikers, amateurs de belle mécanique, sportifs, amoureux de la vitesse, les profils sont différents certes, la ferveur égale. Le principe de Motorcycle Funerals était né, qui établit le succès de l’entreprise aujourd’hui âgée de quinze ans et prospère. Mais attention ! Intervenant partout dans le Royaume Uni, l’équipe de Sinclair n’est en rien formée de motards rebelles et indomptables à l’image des héros du film mythique Easy Rider. Vêtus de noirs, impeccables et discrets, ce sont des professionnels de confiance et d’excellents pilotes, rompus aux mystères de leur discipline … et aux desiderata de leurs clients.
Conscient que les passionnés s’enflamment pour des modèles précis mais ne pouvant varier à l’infini ses véhicules, Sinclair a misé sur trois univers emblématiques, britannique avec deux modèles incontournables de la Triumph, véritable gloire nationale, une Suzuki Hayabusa pour les fans de japonaises rapides et racées, et la légendaire américaine, impératrice de la Road 66, la Harley Davidson Electra Glide, dont les usagers savourent la sonorité si particulière. Ce sont ainsi quatre offres qui sont proposées au public, assorties d’une option économique lorsque la distance de transport est réduite.
Quant aux véhicules eux-mêmes, revêtus du noir de deuil, ils sont tous équipés d’un side-car de même nuance, aux boiseries précieuses, adapté aux dimensions d’un cercueil et muni de systèmes de fixation assurant la stabilité de la bière pendant le transfert, cela en dépit des vibrations et du rythme adoptés. Les fleurs et couronnes sont arrimées sur la galerie surplombant le toit du side-car. Pratiques, ces motos peuvent traverser le bocage anglais avec beaucoup d’aisance, être accompagnées d’un cortège de motards … et s’offrent au passage le luxe de records de vitesse.
Ainsi en 2013, le révérend Sinclair a établi le Guinness World Record au volant de sa Suzuki Hayabusa corbillard, poussée à 126,6 miles par heure. De quoi faire rêver les amateurs et assurer la visibilité de cette entreprise unique en son genre, … comme quelques autres en Angleterre, où de plus en plus on prend en compte l’individualité de chacun jusque dans sa mort. De fait la patrie de Shakespeare ouvre la voie par son originalité et sa créativité, qu’il s’agisse d’immortaliser les chers disparus en intégrant leurs cendres dans des disques vinyles ou de les emmener au ciel par moto interposée.
Crédit photo : Motorcyclefunerals.com