Après la mode, le maquillage, la musique, les mariages, les restaurants, les chatons et les loutres, Instagram se tourne progressivement … vers le funéraire. On le sait, et nous en parlons du reste régulièrement dans nos chroniques, le secteur se digitalise. Forcément, il s’empare des réseaux sociaux, avec plus ou moins de pertinence, d’élégance et de pudeur. Et Instagram n’y échappe pas.
Instagram : un réseau social pour des funérailles branchées ?
Hashtags à succès et selfies funéraires
Créée en 2010 pour favoriser le partage de photographies et de vidéos, rachetée en 2012 par le géant Facebook, la célèbre plate-forme repose sur la force du visuel. Clichés travaillés, filtres, scénarisation de l’image, l’instagrameur doit produire des illustrations puissantes et belles, qui vont marquer les esprits. Forcément, la représentation de la mort et de ses artifices ne pouvait échapper à cette tendance. La preuve.
Tapez #funeral, hashtag anglo-saxon à succès qui affiche près de 600 000 résultats de par la planète. Instagram, en une photo, annonce la mort d’un proche au monde entier, évoque le chagrin, le regret, la perte, la colère, la frustration, rend hommage … et les messages de soutien d’abonder, même de la part d’anonymes. Idem quand on inscrit l’hexagonal #funérailles, 868 publications apparaîtront, qui mêlent cérémonies funéraires, tombes fleuries, visages ravagés de larmes …
C’est certes moins impressionnant mais c’est la preuve indéniable que le processus s’implante progressivement en France. Les barrières tombent petit à petit, et si l’on reste plutôt traditionnel en matière de cérémonial, les comportements évoluent doucement à l’heure du 2.0. Le selfie funéraire prend ses marques, digne descendant des portraits mortuaires de l’ère victorienne, et il devient branché de poser dans une attitude recueillie face à la tombe d’un cher disparu.
Une opportunité pour les professionnels
Si les usagers se servent d’Instagram pour partager leur deuil avec leur communauté, abolissant ainsi la notion d’intimité, les opérateurs funéraires ne sont pas en reste. Le hashtag #funeralservice débouche sur environ 45 000 résultats, des clichés illustrant le travail d’entreprises spécialisées anglo-saxonnes particulièrement désireuses de mettre en avant leur efficacité : corbillards, locaux, salon de réception, présentation du cercueil, les services proposés sont détaillés par le menu, une photographie bien léchée valant tous les argumentaires de vente du monde.
Voici l’occasion rêvée de se distinguer en jouant la carte de la personnalisation et de l’innovation : corbillard à l’ancienne rose bonbon, cercueil Légo (un véritable buzz sur la toile), décorations inspirées du parcours du défunt … le classieux le dispute à l’original, dans ce panneau publicitaire généralisé qu’est devenu Instagram. Et les professionnels d’alimenter leur page, parfois à la limite du supportable. Ainsi ces embaumeurs qui détaillent, à grand renfort de gros plans sur les dépouilles de leurs clients, leurs missions quotidiennes, les produits utilisés, les techniques de camouflage …
Dans un domaine plus particulièrement adapté et qui n’hésite pas à exploiter les richesses d’Insta, les fleuristes et artistes floraux sont très prolixes sur leur créativité mortuaire. Coussins funéraires en forme de nounours, de poupée, de raquette … ils sont en première ligne de la personnalisation qui impacte actuellement des cérémonies funéraires de plus en plus axées sur la mémoire du défunt. Plus timidement, les fabricants de stèles et de plaques funéraires, les paysagistes spécialisés dans les tombes-jardins usent de ce vecteur pour exhiber leurs innovations … et accroître leur clientèle.
Investi par les marques comme une vitrine à visibilité internationale ouvrant largement sur la cible rêvée des millennials, Instagram ne pouvait que séduire les acteurs du secteur funèbre. Les obsèques sont en train d’y conquérir leur place, gagnant ainsi en esthétique, privilégiant nouveautés et pratiques dernier cri. Une occasion parfaite pour développer une stratégie marketing qui ne dit pas son nom et jouer en plein sur la corde de l’émotionnel et de l’ego pour contourner les impératifs légaux et vendre des prestations et des produits dans le sillage d’un chagrin décuplé par l’immédiateté propre aux réseaux sociaux. Décidément, le digital comme les ressources d’Internet auront largement participé de la mutation de cet univers pourtant très traditionnel.