Nous l’avons souvent répété dans nos articles (ici ou là), depuis 2008 et la loi façonnée par le sénateur Sueur, il est interdit de conserver les cendres d’un proche chez soi… en théorie car dans la pratique, les choses ne sont pas aussi tranchées ni supervisées.
Conserver les cendres d’un défunt : les limites d’un dispositif légal ?
A l'origine, le texte du 19 décembre 2008 consacré à la législation funéraire stipule le respect des restes qui doivent être traités avec dignité. Dans cette perspective, il interdit la conservation des cendres d'un proche par devers soi. Officiellement, il n'est donc plus possible de garder dans son foyer les restes d'un parent incinéré.
Empêcher les dérives ... sans les sanctionner ?
Cette loi intervient initialement pour neutraliser les différents excès constatés au fil du temps :
- Il s'agit avant tout d'empêcher que l'urne ne soit égarée, brisée, remisée dans un grenier, par manque de soin, d'intérêt.
- On vise aussi à respecter l'intégrité du défunt, éviter qu'il soit dispersé entre différentes personnes, transformé en bijoux ou autre objet mémoriel.
- On cherche également à neutraliser les éventuelles querelles familiales : Qui doit garder l'urne ? De quelle manière ? Comment les différents proches pourront-ils y avoir accès afin de se recueillir ?
Les sujets de discordes sont multiples. En obligeant le public à placer les cendres dans une tombe ou un columbarium, à les répandre en jardin du souvenir ou dans un lieu déterminé, les législateurs ont voulu encadrer des pratiques propices aux dérives et propres à engendrer moult affrontements qui finissaient devant les tribunaux.
Aussi leurs articles ont-ils été pensés et calibrés pour éclairer les juges en cas de litige. S'ils sont très précis à ce niveau, ils sont beaucoup moins clairs en ce qui concernent d'éventuelles sanctions pénales, ne désignant par exemple aucune autorité de contrôle mandatée pour vérifier le devenir des cendres une fois sorties de l'incinérateur et remise aux familles.
Absence de suivi et de contrôle des cendres
Les opérateurs funéraires sont tenus d'exposer la loi aux proches, puis de faire remplir et signer un document renseignant la destination finale des restes ... mais quant au suivi et la vérification de cette démarche, rien n'est prévu. Le formulaire permet juste aux entreprises funéraires de se protéger par rapport à la loi.
De même les familles sont tenues d'adresser au maire de la commune retenue pour effectuer la dispersion un courrier attestant du bon déroulement de la cérémonie... mais rares sont ceux qui s'en acquittent.
Il est donc impossible pour les autorités de tracer le devenir des cendres, qui peuvent donc être conservées chez un des héritiers sans aucun contrôle, ou abandonnées sur la voirie par un ayant droit mal attentionné.
L'opacité en matière de statistiques est quasi totale : même si on dénombre officiellement une moyenne de 167 000 crémations par an dans l'Hexagone, et que les communes n'en finissent plus d'inaugurer des columbariums et des jardins de tombes cinéraires, un certain pourcentage d'urnes échappe à toute surveillance, sans aucune visibilité des pouvoirs publics qui n'auront d'autre solution à l'avenir que de durcir la loi existante, par exemple en forçant les familles à confier les cendres des défunts à des agents funéraires responsables de la dispersion.